L’EVOLUTION D’UN ANCIEN BATIMENT AGRICOLE A L’EXTERIEUR DE LA PARTIE URBANISEE - PARTIE 2
Question récurrente et importante pour l’évolution du monde rural : comment peut évoluer un ancien bâtiment agricole isolé, pour le transformer par exemple en gîte, en maison d’habitation ou encore en activité économique, alors qu’il ne s’agirait pas d’un projet qualifié de nécessaire à l’activité agricole ?
La question ne soulève pas de difficulté en zone urbanisée d’une commune qui bénéficie généralement d’une constructibilité générale. Par contre, en dehors des espaces urbanisés, la réponse dépend beaucoup de la présence ou non d’un document d’urbanisme (carte communale, POS, PLU) sur la Commune et dans l’affirmative, du règlement de ce dernier. La Loi ALUR du 24 mars 2014, suivie de la loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt du 13 octobre 2014 sont venues en modifier le régime.
Les POS restent régis pour leur contenu par les dispositions en vigueur avant la loi SRU de 2001, et ce, grâce à l’article L 123-19 du Code de l’Urbanisme. Aussi, les dispositions actuelles relatives aux constructions admises en zones agricoles et naturelles des PLU ne s’appliquent pas aux POS.
Dans les zones NB, NC ou ND des POS, la possibilité de transformer les bâtiments agricoles dans une autre destination dépend principalement de la rédaction du règlement spécifique à chaque commune, car les auteurs du POS étaient assez libres pour déterminer ce qui était ou non autorisé dans ces zones NB, NC ou ND.
En effet, sous l’égide des POS, le Code de l’Urbanisme donnait simplement une définition des zones agricoles ou naturelles précitées, sans préciser quelles constructions ou installations pouvaient y être admises. S’il est possible de rappeler succinctement les grandes caractéristiques des trois types de zones utilisées par les POS pour gérer les espaces agricoles naturels ou peu urbanisés, il n’en reste pas moins que la seule façon de connaître les possibilités d’évolution d’un bâtiment agricole sur une commune encore couverte par un POS, est de se référer au règlement de la zone concernée, qui sera propre à chaque commune.
Globalement, la zone NB est une zone de constructibilité qui admet différentes destinations mais dans des proportions limitées. Elle est privilégiée pour identifier notamment les hameaux isolés et des corps de ferme au sein desquels les changements de destinations, extensions et nouvelles constructions sont la plupart du temps permis, même s’ils sont encadrés par des limitations de droits à bâtir.
Les zones agricoles (NC) des plans d'occupation des sols s'accompagnent d'un règlement sélectif qui admet traditionnellement les constructions liées et nécessaires à l'activité agricole. Le Conseil D’Etat interprète sévèrement le caractère lié ou nécessaire (selon la rédaction retenue par le POS) à l’activité agricole, au nom de l’inconstructibilité de principe de la zone NC. Toutefois, les auteurs des POS disposant en la matière d'une certaine latitude, diverses occupations non agricoles ont pu être admises dans les règlements de zones NC, du moment qu’elles ne remettaient pas en cause la vocation agricole de la zone. Ainsi, le règlement des zones NC pouvait autoriser, en fonction des réalités locales, les activités de loisirs telles que camping, golfs ou centres équestres mais aussi, les activités liées aux ressources naturelles comme les carrières ou présentant un lien avec l'économie agricole telles que les coopératives agricoles ou un gîte à la ferme. Donc une diversification ou un changement de destination des sites agricoles existants est possible dans un POS qui l’a prévu dans son règlement, sachant toutefois que souvent, cette possibilité est conditionnée par le fait que cela ne compromette pas la poursuite de l’exploitation agricole. Et cette dernière notion d’atteinte à l’exploitation agricole est sujette à de fortes interprétations.
Enfin, la zone ND est par nature elle aussi inconstructible, mais la doctrine administrative préconisait de ne pas interdire les travaux sur construction existante afin de ne pas entrainer l’abandon progressif des constructions. En outre, pour certains POS, les auteurs ont pu autoriser librement les changements de destination et les extensions de constructions, voire même quelques nouvelles constructions, du moment que cela reste dans des proportions compatibles avec le caractère de la zone.
A compter du 31 décembre 2015 (ou au plus tard au 26 mars 2017), tous les POS de France seront caducs d’après l’article 135 d la loi ALUR du 24 mars 2014. Ainsi, dans les communes couvertes par un POS devenu caduc, les dispositions du Règlement National d’Urbanisme s’appliqueront à moins que la Commune n’ait approuvé d’ici là une révision générale du POS valant élaboration de PLU (confère chronique sur l’évolution du bâti agricole en RNU).
Dans les Plans Locaux d’Urbanisme, les nombreuses modifications législatives et jurisprudentielles de ces dernières années rendent difficile la formulation de principes généraux, tant cela dépend de la date à laquelle le PLU a été rédigé et de la règlementation spécifique assignée au bâtiment à transformer.
Toutefois les réformes successives confirment un encadrement de plus en plus restrictif de la constructibilité des zones agricoles, ce qui fait craindre aux représentants du monde rural un risque de désertification.
Le principe aujourd’hui et depuis plusieurs années est qu’en zone agricole ou en zone naturelle des PLU, les bâtiments agricoles ne peuvent pas être transformés vers une autre destination et cela en raison de la rédaction des articles R123-7 et R123-8 du Code de l’urbanisme qui n’autorisent dans ces zones que les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou à des équipements collectifs ou à des services publics.
Ce principe s’accompagne de trois exceptions :
- la première consiste à repérer nominativement les bâtiments (agricoles ou autres) qui peuvent faire l’objet d’un changement de destination. Pour les bâtiments ainsi repérés, seul le changement de destination sera admis, ce qui exclut toute extension et ou adjonction d’éventuels nouveaux bâtiments annexes qui ne seraient pas agricoles ou relevant d’un intérêt collectif. Avant la loi ALUR seuls les bâtiments agricoles présentant un intérêt architectural ou patrimonial pouvaient bénéficier de ce repérage, après avis conforme de la Commission Départementale de la Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF). Aujourd’hui, tous les bâtiments existants en zone A et N peuvent faire l’objet de ce repérage, toujours à la condition d’un avis conforme de la CDPENAF ou de la Commission des Sites (CDNPS) et sous réserve que cela ne compromette pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. Il s’agit là d’un assouplissement du dispositif qui a été prévu pour compenser le durcissement de la règlementation des STECAL vu ci-après.
- La seconde consiste en la création de secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées (STECAL), dans lesquels l’auteur du PLU a la possibilité d’autoriser les changements de destination, les extensions et les nouvelles constructions et ce dans un registre de destination varié. Cette plus grande liberté de constructibilité dans les STECAL a donné lieu à des dérives conduisant parfois au classement de parcelles non bâties. Aussi, la possibilité de créer de tels secteurs dans les PLU est désormais très restreinte (loi ALUR de mars 2014), puisque ces derniers doivent rester « exceptionnels » et sont soumis à l’avis de la CDPENAF. Le caractère exceptionnel s’apprécie, d’après la fiche Loi ALUR du Ministère intitulée « Constructibilité en zones agricole et naturelle », en fonction des caractéristiques du territoire et de la zone concernée, mais il est clairement annoncé dans cette même fiche que l’objectif de la réforme est d’éviter un recours systématique à ce mécanisme pour traiter l’intégralité du bâti existant en zone agricole ou naturelle. Par ailleurs, il est permis de s’interroger pour les PLU intercommunaux, comment s’appréciera le caractère exceptionnel à l’échelle d’un vaste territoire ?
- La troisième est une complète nouveauté de la loi ALUR consistant à permettre d’une manière générale l’extension de logements existants en zone A et N, et ce, sans qu’il soit besoin de les repérer nominativement. Toutefois, l’article L.123-1-5.II.6°, 8ème alinéa conditionne cette possibilité à la présence de normes de hauteur, d'implantation et de densité des extensions, permettant d'assurer leur insertion dans l'environnement.
Aussi, les règlements de PLU qui satisferaient déjà à cette définition sont probablement très peu nombreux et la plupart vont devoir faire l’objet d’une modification pour pouvoir appliquer cette disposition.
Les décrets d’application des lois ALUR et « Avenir » relatifs à ces dispositions ne sont pas encore parus ce qui peut encore réserver quelques surprises. Ils sont très attendus sur ces points de constructibilité et de possibilité d’évolution du bâti existant en zone agricole ou naturelle car le monde rural est très concerné par ce type de dispositions.