L'évolution d'un ancien bâtiment agricole à l'extérieur de la partie urbanisée - PARTIE 1
Question récurrente et importante pour l’évolution du monde rural : comment peut évoluer un ancien bâtiment agricole isolé, pour le transformer par exemple en gîte, en maison d’habitation ou encore en activité économique, alors qu’il ne s’agirait pas d’un projet qualifié de nécessaire à l’activité agricole ?
La question ne soulève pas de difficulté en zone urbanisée d’une commune qui bénéficie généralement d’une constructibilité générale. Par contre, en dehors des espaces urbanisés, la réponse dépend beaucoup de la présence ou non d’un document d’urbanisme (carte communale, POS, PLU) sur la Commune et dans l’affirmative, du règlement de ce dernier. La Loi ALUR du 24 mars 2014, suivie de la loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt du 13 octobre 2014 sont venues en modifier le régime.
En l’absence de document d’urbanisme (POS, PLU, ou carte communale), le principe est que le changement de destination et l’extension des constructions existantes sont autorisés en dehors des parties urbanisées (article L.111-1-2 du Code de l’Urbanisme dans sa version issue de la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014).
Cela autorise donc le changement de destination de tout ou partie de bâtiments agricoles vers l’habitat ou le tourisme, l’hôtellerie, la restauration etc., incluant la possibilité de réaliser des extensions aux bâtiments existants. Il est même possible de réaliser de nouveaux bâtiments à usage d'habitation, mais uniquement à « l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole » et « dans de respect des traditions architecturales locales ».
En terme de procédure, ces possibilités sont soumises à l’avis simple de la Commission Départementale de la Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers
(CDPENAF – avis conforme en loi Montagne) qui devra être saisie lors du dépôt du permis de construire. Par contre, elles ne nécessitent pas de dérogation de la part du Préfet au titre du nouvel article L.122-2.II pour les communes qui ne sont pas couvertes par un SCOT.
Les décrets d’application des lois ALUR et Avenir... relatifs aux nouvelles dispositions de l’article L111-1-2 n’étant pas encore parus, il est pour le moment difficile d’apprécier quel seront les critères retenus par la CDPENAF pour motiver ses avis, mis à part celui du respect des traditions architecturales locales.
Pour le moment sont seules connues les dispositions de l’actuel article R 111-4 du Code de l’Urbanisme (issu du décret n°2007-18 du 5 janvier 2007), prévoyant que les constructions autorisées en dehors des parties urbanisées de doivent pas « compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l'existence de terrains faisant l'objet d'une délimitation au titre d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée… ».
Dans les zones non constructibles des cartes communales, sont seulement admises les constructions et installations nécessaires :
- à des équipements collectifs ou à des services publics si elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole ou pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages;
- à l'exploitation agricole ou forestière ;
- à la mise en valeur des ressources naturelles.
En dehors de ces cas, sont également admis l’adaptation ainsi que les changements de destination et extensions des constructions existantes. La transformation d’un bâtiment agricole en habitation ou toute autre destination est donc permise en zone non constructible d’une carte communale, y compris d’ailleurs les extensions de bâtiments existants de quelque destination que ce soit.
Par contre, la construction de nouveaux bâtiments n’est permise que dans les trois destinations prévues aux alinéas précédents (agricole ou forestier, équipements collectifs ou mise en valeur des ressources naturelles). En outre il ne suffit pas que la nouvelle construction soient simplement liée à l’une des destinations admises mais elle doit être nécessaire, ce qui implique une justification accrue et exclut par exemple quasi systématiquement les cas de gites à la ferme qui sont considérés comme des édifices hôteliers et non agricoles : leur création en zone agricole ne pourra donc relever que d’un changement de destination d’un bâtiment agricole et non d’une construction neuve.
Si les bâtiments agricoles ont été classés en zone constructible dans le cadre d’un petit hameau par exemple, les possibilités d’évolution ne sont limitées que par l’emprise au sol de ladite zone. Toutes les adaptations, changements de destination et constructions nouvelles sont admises dans la limite d’emprise de la zone constructible, et ce quelle que soit la destination.
Le constat ou l’anticipation d’une cessation d’activité agricole sur un site est donc un préalable nécessaire lors de l’établissement d’une carte communale (par exemple anticiper les départs à la retraite, avec repreneur agriculteur ou pas, volonté des enfants de vivre sur site et d’y implanter leur activité professionnelle ?...).
La limite de l’exercice est que ces constats sont réalisés à un temps « T » pour une carte communale qui a vocation à vivre au moins 10 ans. Donc certaines situations ne seront pas prises en compte. A l’inverse, il n’est pas opportun de classer à « l’avance » tous les sites bâtis agricoles d’une commune en zone constructible car la constructibilité nouvelle ainsi conférée, en particulier s’agissant de la possibilité de créer de nouvelles constructions d’habitation, risquerait de précipiter prématurément la cessation de l’activité agricole.